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Les bornes anciennes que l’on trouve à Eysines sont de deux périodes différentes. Les deux que possède la ville d’Eysines aujourd’hui encore, datent de la fin du XVIII° siècle. Il y en a eu sept. Quant aux bornes armoriées du début du XVII° siècle, elles ont disparu sauf peut-être l’une d’entre elles qui pourrait être encore enfouie…

Pour rédiger ce texte nous utilisons les recherches effectuées par l’abbé Hyppolite Caudéran*1, l’abbé Jean Pierre Albert Cirot de La Ville*2, Henri Ciran*3 et Jean Sautreau*4.

*1 : A la 28ème session du Congrès Scientifique de France qui se tient à Bordeaux en septembre 1861, l’abbé Caudéran, ordonné prêtre en 1874,curé de Saint-Aubin de Médoc, fait une communication qui porte le titre « Bornes anciennes armoriées servant de limites administratives dans la banlieue de Bordeaux ».

*2 : Dans « Origines chrétiennes de Bordeaux ou Histoire et description de l’église Saint Seurin », en 1867, l‘abbé Jean Pierre Albert Cirot de La Ville (1811-1891), prélat du diocèse, docteur en théologie, professeur à la faculté de théologie et membre de l’Académie des Sciences à Bordeaux, détaille les bornes à partir des dessins de l’abbé Caudéran.

*3 : Henri Ciran, qui fut conseiller municipal caudéranais de 1935 à 1944, écrit en 1949 une « Histoire de Caudéran ».

*4 : Jean Sautreau, mérignacais, décédé en 1995, fut président de la Société Archéologique de Bordeaux de 1989 à 1991.

Lors de nos propres recherches aux archives départementales, nous avons relevé des textes où les bornes sont mentionnées. Par exemple :

-Le 9 juin 1604 : « … icelles pierres servant de terme ou borne, limite entre le dixmon que Gratien de Mullet écuyer seigneur de La Plane gentilhomme ordinaire de la chambre du roy…dans la paroisse St Martin d’Eysines que ledit sieur de La Plane a dit être la tierce partie de la grand dixime de ladite paroisse, les autres deux tierces appartenant à Monsieur( Messieurs ?) du chapitre St André, en la grand dixime appartenant à Messeiurs les doyens chanoine le chapitre dudit St Seurin, que les religieux du chapitre… »

-le 24 janvier 1678 : « Le chapitre Saint Seurin a député MM. …d’aller avec MM. … du chapitre Saint André faire planter les pierres ... dans le dixmon que ledit chapitre Saint André prend en la paroisse d’Eysines au lieu et place de celles qui ont été rompues et lesquelles ont été gravées à cet effet d’un côté avec les armes dudit chapitre et de l’autre de celles du chapitre Saint André… »

Copie du début du texte du 24 janvier 1678 (photo Connaissance d’Eysines)

Copie du début du texte du 24 janvier 1678 (photo Connaissance d’Eysines)

-le 2 septembre 1750, dans une vente : « …confrontant du levant au bois taillis du sieur …une borne de pierre entre deux…et encore dudit levant à la terre …dudit sieur … deux bornes de pierre entre eux …du couchant au bois taillis et terre de la maison noble du Thil, trois bornes de pierre entre deux… »

Et nous pourrions en citer d’autres, preuve que ces bornes étaient des éléments importants pour délimiter les biens ou juridictions.

1/ Les quatre bornes armoriées du début du XVII° siècle :

Michel Baron (premier président de notre association) précise : « Il s’agit d’un ensemble comprenant quatre bornes de 1603 (G 1118, f° 66 et suivants aux Archives Départementales de la Gironde) dont l’implantation a été confirmée par un bornage (G 100, Arrêt du Parlement du 20 décembre 1608 aboutissant à un transport sur les lieux le 1° juillet 1610) ».

Elles sont décrites et dessinées par l’abbé Caudéran, qui cependant ne parvient pas à les dater précisément et donne une fourchette de 70 ans entre 1526 et 1601.

Quant à l’abbé Cirot de la Ville, il donne en 1867 une description détaillée des bornes et les date entre 1603 et 1610. Il affirme qu’elles marquaient la limite du territoire de la dîme d’Eysines, entre les paroisses d’Eysines et de Saint Seurin. Il précise aussi que suite à une « querelle sur les limites de la juridiction contre les Jurats…  les bornes qui divisaient St Seurin et Eysines sur les chemins royaux de Bordeaux à Soulac furent replacées en 1604 à la suite d’une transaction entre le chapitre, Gratien de Malet et Louis de Caplane  …dans la lande du Cyprat… ». L’abbé Cirot note toutes ses sources lorsqu’il rédige son texte. Surpris par les deux noms «Gratien de Malet et Louis de Caplane » nous avons retrouvé le dossier  aux archives départementales répertorié sous un autre numéro ! Il s’agit du dossier G 1078 et nous l’avons relevé. L’abbé Cirot de La Ville ne connait pas notre histoire eysinaise et il s’agit tout simplement de « Gratien de Mulet seigneur de La Plane ».

Extraits des Bornes anciennes de l’abbé Caudéran :  la page sur la borne de Pézéou et la jolie face Eysines de la borne de la Beloze
Extraits des Bornes anciennes de l’abbé Caudéran :  la page sur la borne de Pézéou et la jolie face Eysines de la borne de la Beloze

Extraits des Bornes anciennes de l’abbé Caudéran : la page sur la borne de Pézéou et la jolie face Eysines de la borne de la Beloze

En 1948/1949, Henri Ciran appelle ces bornes « Pierres de Manse ». Dans son bulletin de liaison n° 57 du 3ème trimestre 2011 ainsi que dans le « Recueil Haillanais » de l’automne 2013, l’association Le Haillan- Généalogie-Histoire précise : « ...les bornes étaient appelées las peyres de manse…manse étant un terme de féodalité… »

En 1948, Jean Sautreau part à leur recherche. Les pierres ornées sont toujours là, mais dans les années 1980, il ne reste que la borne de Pézéou…

En effet, ces quatre bornes ont été nommées par l’abbé Caudéran tout simplement en fonction de leur lieu.

1/ Borne de la lande de Pézéou : à la limite du golf bordelais et du « petit chemin d’Eysines » : hauteur 40 cm, largeur 58 cm et épaisseur 55 cm.

2/ Borne de la Beloze : à 720 m de la précédente (d’après H. Ciran) : hauteur 45 cm, largeur 55 cm et épaisseur 48 cm.

3/ Borne du Calhdou (=Caillou) : à 300 m à l’est de la précédente (d’après H. Ciran) : hauteur 80 cm, largeur 60 cm et épaisseur 35 cm.

4/ Borne de Farinel (nom du propriétaire du terrain en 1861) : à 620 m de la précédente (d’après H. Ciran) : hauteur 60 cm, largeur 55 cm et épaisseur 40 cm.

L’abbé Caudéran note que ces pierres pourraient être enfoncées de 1,60m comme l’affirme M. Farinel qui voulait déraciner la pierre se trouvant chez lui…

Nous reprenons les descriptions de l’abbé Caudéran et/ou d’Henri Ciran : ces quatre bornes sont toutes arrondies sur leurs arêtes supérieures. Elles sont enfoncées dans le sol qui marque une petite butte à leur base.

Elles portent toutes deux blasons sculptés : un face Caudéran et un face Eysines.

-La face Eysines comporte une couronne comtale à 9 perles ou ducale à 5 fleurons, un écu, une croix de Saint André et deux croix archiépiscopales avec fleurons, palmes, rubans : sans doute les armes du chapitre de Saint André qui exerçait une juridiction ou un droit sur la maison Noble de Bois Gramont située juste à côté.

-La face Caudéran est ornée d’une couronne de marquis à 5 fleurons, de palmes, de crosses en sautoir : les crosses sont les armes du chapitre Saint Seurin, qui perd son droit de justice en 1655.

Au sujet de la borne de Pézéou , Micherl Baron explique : « Au début des années quatre-vingt, la « borne de la lande du Pézèou », près de l’Avenue d’Eysines, subsistait, les trois autres avaient disparu. Cette borne est située sur le territoire de Bordeaux, dans l’enceinte du golf. Le niveau du sol y ayant été surélevé, elle était complètement enterrée et n’était visible que sur la paroi du fossé qui depuis a été comblé (ce qui explique peut-être sa survie). Elle est maintenant totalement enfouie. »

Ce qui veut peut-être dire que cette borne est toujours enfouie à la limite du golf et il faudrait peut-être intervenir pour la déterrer et la sauvegarder…

2/ Les bornes délimitant Eysines et Mérignac de la fin du XVIII° siècle :

Nous remercions les habitants de Lescombes proches du château et ceux de La Forêt (Mérignac), demeurant face au 169 rue de St Médard : nous les avons interrogés et c’est avec une grande gentillesse qu’ils nous ont répondu. Merci aussi à Mme Lechenné de Le Haillan-Généalogie-Histoire et à M. Daix de l’association du Patrimoine de St Médard pour leur précieuse collaboration. Merci à M. Tournerie (ancien responsable des services techniques de notre ville) qui a permis de retracer le « parcours » de cette borne. Comme souvent, sans leur contribution, nos documents seraient incomplets et approximatifs.

Histoire de ces bornes : En 1767, le chapitre de Saint Seurin décide d’implanter de nouvelles bornes pour renouveler celles qui marquaient sa juridiction du côté ouest vers Mérignac. En 1774, à la suite de discussions des Jurats, un bornage plus général eut lieu. Il fut sans doute poursuivi au-delà de la juridiction de Saint Seurin, pour cette fois matérialiser les limites entre la seigneurie du Thil et celle de Mérignac.

En 1861, l’abbé Caudéran les désigne comme « bornes à symboles délimitant Mérignac et Eysines, Mérignac et Caudéran ». De Caudéran à Eysines à la limite de Mérignac, l’abbé en dénombre trente. En 1867, l’abbé Cirot de la Ville parle de quinze bornes…En 1948, Jean Sautreau fait un inventaire sur place et voit les huit bornes avec l’inscription THIL. En 2011, l’association le Haillan-Généalogie-Histoire fait le recensement de ces huit bornes. Il n’en reste que quatre sauvegardées par les communes : une au Haillan, une à Saint Médard et deux à Eysines. Il se pourrait que d’autres bornes se trouvent dans des propriétés privées…

Le dessin des gravures des bornes de la fin du XVIII° siècle réalisé par l’abbé Caudéran

Le dessin des gravures des bornes de la fin du XVIII° siècle réalisé par l’abbé Caudéran

Les deux bornes eysinaises, dites de La Forêt : Ces deux bornes se trouvaient érigées à quelques dizaines de mètres l’une de l’autre : devant le 169 de la rue de Saint Médard et dans la haie du 40 rue d’Eysines.

 Le repère 2 indique la borne devant château Lescombes et le repère 1 l’autre borne sauvegardée. Explicatif de Michel Baron sur le cadastre 1844 des archives départementales

Le repère 2 indique la borne devant château Lescombes et le repère 1 l’autre borne sauvegardée. Explicatif de Michel Baron sur le cadastre 1844 des archives départementales

Leurs silhouettes étaient alors totalement différentes car celle de la rue d’Eysines avait une hauteur de deux mètres alors que celle de l’avenue de St Médard ne faisait environ qu’un mètre. Pourquoi cette borne était-elle ainsi enfoncée dans le sol ? Mais des photos anciennes nous montrent aussi des bornes de tailles différentes ; ceci n’est peut-être que la conséquence de leur poids important en fonction de la nature du sol de leur implantation. (Photos dans : « le Patrimoine de Saint-Médard-en-Jalles » n° 37 de janvier 2013 et dans « le Recueil Haillanais » de l’automne 2013).

Devant le 169 rue de Saint Médard (collection privée association du patrimoine de Saint Médard) : à gauche dans les années 1960/1970 et à droite dans les années 1975/1980
Devant le 169 rue de Saint Médard (collection privée association du patrimoine de Saint Médard) : à gauche dans les années 1960/1970 et à droite dans les années 1975/1980

Devant le 169 rue de Saint Médard (collection privée association du patrimoine de Saint Médard) : à gauche dans les années 1960/1970 et à droite dans les années 1975/1980

En 1981, des travaux de voirie avenue de Saint Médard, conduisent à un enlèvement de la borne. Elle fut plantée aussi profondément avenue René Antoune près du carrefour avec l’avenue du Taillan, devant la propriété Lamboley, sur une bande de terrain communal où se trouvait déjà un puits. En 1994, l’élargissement de l’avenue Antoune oblige le déplacement de la borne et du puits. La borne est déposée pendant quelques années le long de la Grange de Lescombes, alors que le puits orne la pelouse près des piliers de l’entrée du château. Aujourd’hui, le puits agrémente le rond-point de l’avenue du Taillan et de la rue Jean Mermoz. Quant à la borne, sur la demande de Michel Cognie, alors président de notre association, les services techniques l’installent vers 1998/1999 devant le château de Lescombes, où elle se trouve toujours.

La borne devant château Lescombes et ses gravures sur ses deux faces les trois croissants et THIL. (photos Connaissance d’Eysines)
La borne devant château Lescombes et ses gravures sur ses deux faces les trois croissants et THIL. (photos Connaissance d’Eysines)
La borne devant château Lescombes et ses gravures sur ses deux faces les trois croissants et THIL. (photos Connaissance d’Eysines)
La borne devant château Lescombes et ses gravures sur ses deux faces les trois croissants et THIL. (photos Connaissance d’Eysines)

La borne devant château Lescombes et ses gravures sur ses deux faces les trois croissants et THIL. (photos Connaissance d’Eysines)

La deuxième borne du 40 rue d’Eysines a été enlevée vers 2018. Elle était alors tout contre une haie du 40 rue d’Eysines. Depuis, une résidence a été construite et le déplacement de cette borne a certainement aidé à sa sauvegarde. En attendant de trouver une place qui lui convienne, elle est déposée devant le hangar du musée du maraîchage à Lescombes.

(Photos Connaissance d’Eysines)
(Photos Connaissance d’Eysines)

(Photos Connaissance d’Eysines)

Mais pourquoi deux bornes si proches ? Michel Baron a trouvé un plan de 1777 réalisé d’après le bornage de 1768. Les limites fixées ont été contestées en ce qui concerne la parcelle triangulaire limitée aujourd’hui par la rue des Tulipiers et l’avenue de Saint Médard. Ce « local contentieux » a finalement été rattaché à Mérignac.

Plan de 1777 ( photo Michel Baron)

Plan de 1777 ( photo Michel Baron)

Plan de 1777 ( photo Michel Baron)

Description des bornes : Elles mesurent un peu plus de 2 m (2,07 m), leur sommet a quatre pans arrondis. La largeur et l’épaisseur diminuent du bas vers le haut :  au niveau du sol les dimensions sont semblables avec 38 cm, et au sommet la largeur (face gravée) est de 31 cm tandis que l’épaisseur est de 25 cm. La partie enfouie est de 87 cm environ.

L’inscription THIL et STM : photo de gauche (collection privée association du Patrimoine de St Médard) la borne devant le 169 rue St Médard, au milieu la borne maintenant devant château Lescombes, à droite image modifiée pour faciliter la lecture de l’inscription (photos Connaissance d’Eysines).L’inscription THIL et STM : photo de gauche (collection privée association du Patrimoine de St Médard) la borne devant le 169 rue St Médard, au milieu la borne maintenant devant château Lescombes, à droite image modifiée pour faciliter la lecture de l’inscription (photos Connaissance d’Eysines).

L’inscription THIL et STM : photo de gauche (collection privée association du Patrimoine de St Médard) la borne devant le 169 rue St Médard, au milieu la borne maintenant devant château Lescombes, à droite image modifiée pour faciliter la lecture de l’inscription (photos Connaissance d’Eysines).

THIL est gravé sur la face tournée vers Eysines, puisque cette partie de la paroisse d’Eysines (la Forêt et le Haillan*) dépendait de la grande seigneurie du Thil, qui s’étendait sur Saint Médard et débordait sur notre paroisse. (*Le Haillan est séparé d’Eysines depuis 1867 seulement.) En 1861, l’abbé Caudéran précise au sujet des lettres formant le nom THIL : « Leur forme est celle que leur donnait l’imprimerie aux XVIe et XVIIe siècles. La distance entre les deux jambages de l’H est disproportionnée, égalant presque leur longueur ». L’abbé Caudéran et l’abbé Cirot de la Ville ne mentionnent pas ce que nous voyons actuellement : au niveau du H et perpendiculairement au mot THIL, nous lisons STM. Ces trois lettres semblent avoir une gravure moins profonde que THIL, car elles sont un peu plus altérées et plus difficiles à distinguer. Que veulent dire ces trois lettres ? Est-ce une inscription postérieure au XIXe siècle ? Jean Sautreau et Henri Ciran n’en disent rien. « Le Haillan-Généalogie-Histoire » suggère Saint Médard …La face tournée vers Mérignac arbore les trois croissants disjoints, signe de la dépendance de Mérignac vis-à-vis de la Jurade de la ville de Bordeaux.

Les inscriptions THIL et STM semblent moins lisibles aujourd’hui qu’en 1981. Les quarante dernières années auraient-elles plus dégradé les gravures que celles de 1767 à 1981 ?

L’Ancien Régime nous a laissé de nombreuses traces que nous devons sauvegarder dans les meilleures conditions possibles pour pouvoir encore nous interroger sur leur histoire. En effet, tous ces témoignages sont importants pour connaître le passé de notre ville.

 Bornes anciennes à Eysines

Michel Baron, Marie-Hélène Guillemet, Elisabeth Roux et Michel Legros pour les photos

Tag(s) : #Histoire
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