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Introduction

Lors de la « Fête à Léo » le 10 juin 2018, nous avons visité Bois-Salut et admiré la porte gothique au bas de la tour d’escalier. Lorsque Bernard Larrieu (historien et éditeur des albums de dessins de Léo Drouyn)  a décrit les décors, il nous a interrogé sur la sculpture du tympan, ressemblant à un ange, à l’emplacement habituel des armoiries.

La sculpture du tympan

La sculpture du tympan

 

Nous avons donc entamé des recherches sur ce blason avec cet ange aux deux ailes magnifiques. La consultation de nombreux ouvrages sur l’héraldique aux archives départementales et à celles de Bordeaux Métropole ne nous a pas permis de trouver un blason se rapprochant de cette sculpture. A l’Inventaire du Patrimoine, place Jean Jaurès, nous avons rencontré un spécialiste des blasons qui a ainsi orienté nos recherches dans une nouvelle direction.

 

Les maisons nobles à Eysines

Des XVème au XVIIème siècles, à Eysines, les maisons nobles sont celles de : Bois-Grammont, La Plane, Maison Ségur (= Maison Noble du Vigean), Plassan (=Lescalle), Bois-Salut, Pied-Sec, La Forêt, Biré, Labadan(appelé aussi Lescombes ou Corbin). Ce nom de Labadan apparait dans nombre de documents et nous retrouvons aussi sur des plans, avant les cadastres napoléoniens, une tour nommée Labadan. Faut-il nommer aussi la Taule du Luc qui à Eysines n’est peut-être qu’une métairie de la Maison de Blanquefort ?

Michel Baron précise, dans l’étude de Bois-Salut, qu’elle est la seule maison noble qui se transmet par héritage alors que beaucoup d’autres passent aux mains des bourgeois de Bordeaux, anoblis ou non.

La famille du Sault et Bois-Salut

Ce nom, du Sault, a plusieurs orthographes : en un seul mot Dussaut ou Dussault, et en deux mots du Sault. Dans tous les répertoires des armoiries étudiés, on trouve le nom de cette famille écrit sous cette forme : du Sault. Nous adoptons donc cette dernière écriture. Il faut préciser également que nous trouvons le nom de la maison écrit de deux façons : Boisalut ou Bois-Salut.

Nous n’avons pas trouvé la date de la construction de Bois-Salut, mais en 1598, nous savons qu’elle est déjà édifiée puisque Michel Baron a écrit, d’après son relevé aux archives départementales :« Le 8 avril 1598 Charles Dusault, avocat au Parlement de Bordeaux, lègue à son fils aîné Charles, lui aussi avocat au Parlement, « toute la maison et bourdieu appelé de Bois-Salut paroisse d’Eysines ». Il vient de faire construire un pressoir ce qui atteste l’activité viticole de ce bien. »

L’étude de la tour d’escalier et de son décor par des historiens, architectes et spécialistes des armoiries situe cette construction entre 1470 et 1550 ou peut-être plus précisément avant 1510.

Le logis de la maison noble de Bois-Salut,  sa tour d’escalier et sa porte gothique

 

Charles du Sault à la fin du XVIème siècle est avocat au Parlement de Bordeaux. Sans doute a-t-il hérité de cette maison. Mais quelle était la condition de son aïeul qui entreprend la construction ? En général toutes ces demeures de plan rectangulaire (où la lumière entre largement par des fenêtres à meneaux avec tour d’escalier) sont édifiées par les nobles ou par les nouvelles élites issues de la bourgeoisie qui occupent des fonctions administratives ou juridiques et essaient d'entrer, par l'achat de terres et de charges anoblissantes, dans la noblesse (qu'on appellera de robe).

Etienne du Sault, bâtisseur de Bois-Salut ?   Nous avons voulu apporter une précision quant à la personne qui aurait fait construire ce logis. Nous l’avons donc recherché dans les années 1470/1510. Nous avons étudié les filiations de la maison du Sault dans le « Nobiliaire de Guienne et de Gascogne » de O’Gilvy aux archives départementales.

Dans le volume I, il y a une vingtaine de pages concernant cette famille. Nous n’avons relevé que les personnes ayant pu être seigneur de Bois-Salut, les voici dans l’ordre chronologique, avec leurs fonctions :

  • Pierre du Sault, greffier des présentations du Parlement de Bordeaux en 1472 (A cette époque le Parlement de Bordeaux est exclusivement composé de personnes joignant à une haute naissance des talents et des vertus incontestables). Il a deux fils, son épouse est inconnue, son fils ainé est Etienne.
  • Etienne du Sault, marié à Jeanne Pépin de Frédouville, combat au côté de Talbot à la bataille de Castillon, leur fils ainé est Pierre.
  • Pierre du Sault, seigneur de la Barde, est marié à Perrine de Bernard en 1522. Leur second fils est Charles.
  • Charles du Sault, avocat général au Parlement de Bordeaux, marié à Paris par contrat à Agnès de Godin le 25 juin 1561. Ils ont 5 enfants. Charles, marié à Marguerite de Cruzeau, est l’ainé. Il devient seigneur de Bois-Salut le 8 avril 1598, mais il décède en 1607. C’est donc son frère Jean Olivier qui en hérite à son tour.
  • Le chevalier Jean Olivier du Sault, né en 1577 à Bordeaux, se marie à Marie d’Alesme, fille du conseiller et procureur général du roi au Parlement de Bordeaux. Ils ont 3 enfants, l’ainé est Philibert.
  • Philibert du Sault, est conseiller au Parlement de Bordeaux puis doyen ; il contribue à rétablir l’autorité royale à Bordeaux lors des troubles de l’Ormée. Il se marie à Mademoiselle de Grimard. Ils ont 3 fils et une fille Marguerite. (Philibert décède en 1697)
  • Marguerite du Sault est aussi dame de Blanquefort, peut-être est-elle mariée en premières noces à Fronton d’Alesme, seigneur et baron de Blanquefort. Elle est veuve le 5 mai 1742. Marguerite du Sault se marie à Antoine Bodin de Saint Laurent, président de la Cour des Aydes de Guienne, et c’est ainsi que la maison passe par alliance à la famille Bodin de Saint Laurent.

Ce devrait être Etienne du Sault, marié à Jeanne Pépin de Frédouville, qui fait construire le logis de Bois-Salut ou au moins la tour.

 

La porte gothique de la tour d’escalier

 

Nous devons ce descriptif architectural des décors de la tour à Bernard Larrieu : 

« La porte est dans le style gothique flamboyant, fin XVéme tout début XVIème siècle puisque le style classique vient tout de suite après. Elle se trouve au bas de la tour-escalier hexagonale. Elle dessert le rez-de-chaussée et l'étage par l’escalier à vis.

La partie haute est à courbe et contre courbe, le pignon central surmonté d'une sculpture malheureusement abimée*, que nous décrivons juste après dans « le tympan de la porte ».

Le logis de la maison noble de Bois-Salut,  sa tour d’escalier et sa porte gothique

A l'intérieur de la courbe et contre courbe, on trouve des choux frisés et autres motifs végétaux, et sur l’extérieur deux motifs sculptés dans des sortes de cartouches rectangulaires. »

Le logis de la maison noble de Bois-Salut,  sa tour d’escalier et sa porte gothique
Le logis de la maison noble de Bois-Salut,  sa tour d’escalier et sa porte gothique

*Nota : les blasons ont été martelés pour la plupart à la Révolution. Il n’est pas étonnant que celui de Bois-Salut le soit puisque Antoine Bodin de Saint Laurent a été guillotiné ; il n’a pas été arrêté à Eysines mais les troupes révolutionnaires y sont venues et la maison a été perquisitionnée puis gardée militairement. Notons que le blason de la grande fenêtre d’envol du pigeonnier de Lescombes est lui aussi mutilé !

 

Le tympan de la porte

Le logis de la maison noble de Bois-Salut,  sa tour d’escalier et sa porte gothique

 

Explicatif de la sculpture : Un ange (le tenant) tient devant lui l’écu (ou écusson) ; à l’arrière de l’écu un soleil rayonnant. L’écu est totalement mutilé.

D’après le « traité complet de la science du blason » de Jouffroy d’Eschavannes, le droit de supports ou tenants « n’était primitivement reconnu qu’aux familles revêtues d’une haute autorité », ce qui est le cas de la famille du Sault. La forme de l’écu est définie dans cet ouvrage comme celle d’un écu anglais ! (L’Aquitaine n’est française que depuis 1453).

Cet écu martelé est sans nul doute celui des du Sault, les Armes sont décrites ainsi dans l’Armorial du Bordelais de Pierre Meller(1906) : « De sable à l’aigle éployée et couronnée d’argent, le vol abaissé, becquée, membrée et onglée d’or »

 

 

Et voici le blason tel qu’il devait être sculpté sur le tympan :

Le logis de la maison noble de Bois-Salut,  sa tour d’escalier et sa porte gothique

Notre supposition de la construction de Bois-Salut par Etienne du Sault s’appuie sur plusieurs faits :

-Nous savons, par O’Gilvy que « la maison que Pierre du sault possédait à Bordeaux fut incendiée dans une émotion populaire…Après l’incendie de la maison de son père, Etienne du Sault , qui mourut fort âgé, se retira en Saintonge( d’où la famille est originaire) où il épousa  Jeanne Pépin de Frédouville. » Est-ce avant l’incendie de la maison ou après qu’il fait construire Bois-Salut, mais sans doute avant de partir en Saintonge.

-L’ange du tympan, c’est-à-dire le tenant, est digne de cette noble famille.

-Le blason de forme anglaise prend alors tout son sens lorsque l’on sait qu’Etienne du Sault combat au côté de Talbot….

Nous avons évoqué la porte gothique et surtout le tympan de Bois-Salut mais n’oublions pas que l’inscription à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques a classé la demeure dans son ensemble : la partie moyenâgeuse, occupée aujourd’hui par la M3E et l’autre partie du XVIIIème siècle, appartenant à un propriétaire privé.

 

 

 

Rédaction Marie-Hélène Guillemet et Elisabeth Roux.

Tag(s) : #patrimoine d'Eysines
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