Notre balade eysinaise du 12 avril 2025 « Lamothe, Le Bretey, Bois Gramont, entre Lescombes et La Forêt, trois anciens domaines aux histoires particulières »

Un peu plus de vingt participants se sont retrouvés devant l’ITEP Saint Vincent avenue du Taillan, pour parcourir un itinéraire traversant deux parcs municipaux et empruntant chemins, rues et passerelle.

Après avoir précisé que les trois domaines dont nous allons parler n’ont en commun que le fait d’être limitrophes, nous quittons au plus vite cette avenue bruyante pour nous engager sur le premier chemin de notre balade.

Nous sommes à l’est de l’ITEP qui était autrefois le domaine de Lamothe-Lescure. Nous allons retracer son histoire de 1653 à aujourd’hui. Grâce aux actes notariés, nous pouvons nommer les propriétaires successifs et décrire les lieux aux XVII^e et XVIII^e siècles alors que, pour les XIX^e et XX^e siècles, nos récits sont illustrés par les cadastres et des cartes postales anciennes. Ainsi nos visiteurs découvrent en particulier l’activité viticole présente jusqu’à la seconde guerre mondiale avec MM. Montré père et fils, puis l’époque du Centre rural des Sœurs de la Charité de Saint Vincent de Paul.

 Cette partie de l’histoire est agrémentée par le témoignage de Denise qui au début des années 1960 passe de beaux jeudis après-midi au patronage : « …La très jeune sœur qui nous chapeautait était d’une grande douceur et d’une gaieté communicative. Nous allions nous promener et jouer sur l’immense domaine où coulait le Limancet. Nous revenions de nos excursions aux alentours, qui étaient encore très champêtres, avec des fleurs des champs que nous allions offrir à la Vierge dans une espèce de petite chapelle au fond du parc. Pour Carnaval, on se déguisait et on faisait sauter les crêpes. Les jours de pluie, les sœurs nous projetaient des petits films : la vie de Saint Vincent de Paul évidemment… Sœur Claire, sœur Cécile, sœur Renée et sœur Marie-Antoinette, quelques- unes de ces religieuses qui portaient cornette dans ces années-là… ».

Un chemin en sous-bois bordé par un mince ruisseau nous conduit rue du 19 mars 1962, face à la SICA maraîchère.

Il y a environ cinquante ans nous étions à la limite est de l’équarrissage d’Eysines. Marie-Hélène rappelle la création de cette « usine » en 1852 par M. Jean Ballan et énumère ses fonctions très précises découlant des arrêtés et autorisations préfectorales. Elle évoque les diverses constructions qui ont accompagné cette activité. Elisabeth raconte la belle histoire de Miss Fanny, l’éléphante du Muséum qui meurt en mars 1892 dans sa ménagerie à Bordeaux. Achetée par le directeur du Muséum, elle est préparée à Eysines avant de rejoindre Bordeaux où elle accueille aujourd’hui encore les visiteurs.

Après le fils de M. Ballan, l’usine est achetée par M. Chaigneau et en 1949 par Pierre Médan. Son petit-fils, Philippe Médan vient tout juste de nous rejoindre ! Il prend alors la parole et nous parle de son grand-père : c’est un enfant d’une famille modeste, arrivé des Pyrénées. Il débute à treize ans comme muletier chez M. Chaigneau, c’est un travailleur courageux qui a su gravir les échelons. En 1925, Pierre Médan établit un dossier complet pour une demande d’établissement de porcherie. Il devient contremaître mais se dispute avec son patron, le quitte et achète une usine similaire à Parempuyre. Il la remet sur pieds et vient concurrencer celle d’Eysines… Après la mort de M. Chaigneau, sa veuve vend à Pierre Médan. Philippe Médan a pris la suite de son grand-père à l’usine d’équarrissage jusqu’à sa fermeture en 1971. La société, transmise à ses deux fils, est alors convertie en vente de produits professionnels (engrais, semences, terreau etc.) pour les espaces verts, l’horticulture, le maraîchage et ouverte aux professionnels et particuliers. Philippe Médan répond à nos nombreuses questions avec beaucoup de spontanéité et de précisions.

Nous poursuivons en faisant une courte halte devant le cimetière de « Bois Gramond » établi ici depuis 2009, celui du Bourg ne pouvant plus être agrandi depuis les années 2000. 

Nous arrivons au parc de « Bois Gramond » après être passés sur la passerelle piétonne et cycliste. Un chemin étroit entre zone pavillonnaire et rocade nous conduit à un espace un peu vallonné où arbres et arbustes entourent des prairies et aires de jeux pour les enfants.

Elisabeth décrit alors l’étendue de cette ancienne maison noble qui occupait 124 hectares : de l’avenue du Taillan à l’avenue de Saint Médard du nord au sud, de l’avenue de l’hippodrome aux écoles de la Forêt entre est et ouest ! Les archives départementales possèdent un plan de 1763 qui a pu être consulté et imprimé.  Nous le montrons à nos visiteurs tout comme un « calque » original de 1904 !

Le château et les nombreux communs étaient regroupés pas très loin de l’endroit où nous avons fait halte. Les propriétaires depuis le début du XVII^e siècle sont :  les De Pichard jusqu’en 1730, puis M. Dumas , M. de Brezet et en 1835 M. Lemotheux auquel succèdent son gendre Pierre Léon Fabre de Rieunègre, puis son fils. Le domaine est morcelé petit à petit à partir des années 1880 mais les parcelles viticoles et tout l’ensemble bâti sont conservés.  Le domaine ne fait plus que trente hectares et écoule 100 barriques vers 1900. Il est vendu vers 1905 à Bernard Durousseau qui lui-même le transmet à son fils puis à son petit-fils. Cette succession de propriétaires ne représente en fait que quelques familles …

Est-ce l’établissement de la rocade qui met une fin définitive à cette propriété ? Nous pouvons regretter que personne n’ait eu l’idée de conserver les bâtiments importants qui avaient dû être remaniés au cours des années mais les cadastres attestent que de 1844 jusqu’à 1937 le château reste le même, seuls les bâtiments d’exploitation évoluent…

Notre tract annonçait : « Trois anciens domaines aux histoires particulières » et présentait ainsi le circuit : « Nous partons du bien de campagne de Lamothe aujourd’hui Institut St Vincent, en évoquant le vignoble Montré et le centre rural des Sœurs de la Charité. Puis nous nous arrêtons au Brétey pour présenter l’usine d’équarrissage, ses propriétaires successifs, ses opposants mais aussi de belles histoires…Enfin nous atteignons Bois Gramont, ancienne maison noble, vaste propriété vivant de multiples fermages puis grand domaine viticole ». Il précisait aussi que nous allions rencontrer : « propriétaires et employés, vignes et jardins, bois et pacages, brebis et vaches, carcasses d’animaux, tortues et éléphant… » Nous n’avons rien oublié !

Nous remercions vivement Denise et Monsieur Médan qui par leurs récits ont ajouté un témoignage vécu, précieux et vivant à cette balade. Merci aussi à nos visiteurs de leur écoute attentive et de leur curiosité.

Rédaction Marie-Hélène Guillemet et Elisabeth Roux - Photos Florence Viaud, Michel Legros, Jean-Yves Oruezabal