Trente-six participants se sont retrouvés devant château Lescombes pour notre balade dans le vieux Lescombes. Les averses intermittentes n’ont découragé personne et c’est avec entrain et curiosité que nous avons cheminé pour faire découvrir l’histoire de six demeures inconnues pour beaucoup !
- Rue Seguin, devant l’ancienne maison noble de la Salle Carpenteyre, au XIVe siècle : Le 7 février 1307, Seguin Carpentey, bourgeois de Bordeaux, fait donation de cette maison noble aux Dames Religieuses de Sainte Claire. En 1567, le pape Clément V décide de fusionner les Clarisses avec les sœurs de l’Annonciade. Cette maison noble est petite, en effet les religieuses vivent dans leur couvent à Bordeaux et ne viennent à Eysines que pour percevoir les redevances féodales qui leur sont dues. Nous continuons notre balade sur les anciennes terres des Dames Religieuses de l’Annonciade.
- Entre les rues Daniel Danet, Raymond Renouil, les avenues du Taillan et de la Libération, un ancien bourdieu où ont vécu deux maires à presque cent ans d’intervalle : ce bourdieu d’une surface d’environ trente ares change sept fois de propriétaires entre 1583 et la Révolution. Il est composé d’une maison de maître avec un étage, une chambre pour le valet, chai, cuvier, jardin et verger. Au début du XIXe siècle, Catherine Elina Nicolas hérite de son père alors qu’elle est l’épouse de Claude Bodin de Saint Laurent, maire d’Eysines de 1821 à 1828. MM. Argillos et Durousseau achètent à Mme veuve de Saint Laurent en 1861. En 1878 Mathieu Argillos est propriétaire de ces parcelles et sa fille Marie en hérite. Marie épouse en 1882 Raymond Renouil qui est maire de 1919 à 1925. Le bâti en forme de L évolue : en 1808 il comporte une porte et huit fenêtres, en 1844 dix-huit fenêtres et en 1925 vingt-deux fenêtres.
- Le Bercaud, bourdieu de l’Ancien Régime, propriété de Jean Lassus conseiller municipal et président de la Fabrique à la fin du XIXe siècle, puis au XXe siècle de Raoul Déjean maire de 1945 à 1964 : le bourdieu au milieu du XVIIIe siècle ne comporte qu’une pièce pour le maître et une pour le valet, cuisine, chai, cuvier mais aussi jardin et vignes. De 1750 à 1850 douze propriétaires se succèdent. Durant la deuxième moitié du XIXe siècle, la famille Lassus est propriétaire. Jean Lassus est conseiller municipal de 1848 à 1857 et président de la Fabrique de l’église Saint Martin de 1854 à 1888. Lors de l’achat, la maison de maître a une porte cochère et dix-sept fenêtres et il y a un logement pour les cultivateurs. Lors de la vente en 1906, il y a toujours ces deux bâtiments mais aussi chai, remise, écurie, grange, orangerie, jardin d’agrément et bien sûr vignes et jardin. En 1919, la villa se nomme les Cigales et Raoul Déjean en est le nouveau propriétaire et en 1923, il installe dans la partie sud-est d’une parcelle une porcherie. Raoul Déjean est maire d’Eysines de 1945 à 1964. En 1965, M. et Mme Boullet renomment la villa Le Bercaud. Mme Boullet adhérente de notre association nous a gentiment reçu dans son joli jardin pour que nous puissions admirer sa belle propriété.
- Rosario, sous l’Ancien Régime parcelle de vigne de 340 ares appartenant à la maison noble de Laplane : cette parcelle n’est pas un bourdieu des Dames Religieuses de l’Annonciade ! Nous en avons parlé il y a deux ans lors de notre balade eysinaise sur les terres de Laplane. Cependant si nous nous y arrêtons c’est que nous savons depuis quelques mois seulement pourquoi elle se nomme ainsi. A la fin du XIXe siècle les propriétaires sont Arnaud Dubos puis son petit-fils Albert. En février 2024, le petit-fils d’Albert Dubos nous envoie un mail pour nous demander si on pouvait trouver la maison où vivait son grand-père qui lui avait raconté « qu’il pressait le raisin avec ses pieds dans la propriété viticole d’Eysines ». A l’annonce du résultat de nos recherches citant Rosario, nous recevons : « Un grand merci ». Les grands-parents maternels d’Albert Dubos partis faire fortune vers 1850 dans le nouveau monde sont devenus propriétaires d’une immense « estancia » à Rosario en Argentine…
- Les Tilleuls, sous l’Ancien Régime propriété de la riche famille Lopes Dubec et villa reconstruite par Charles Durand grand architecte bordelais : la propriété s’étendait jusqu’au morcellement en 1983, sur presque quatre hectares entre les rues Raoul Déjean, Emmanuel Parenteau, Paul Dumont et l’avenue du Taillan. En 1766, Salomon Lopes Dubec et son épouse Sara Pereyra passent leurs huit jours de noces à Eysines ! La maison est reconstruite par M. Devaltz entre 1808 et 1840. Elle comporte une porte cochère et quinze fenêtres sur un corps central à un étage et deux ailes. Puis M. Freyche négociant achète. Tout comme Jean Lassus au Bercaud, il s’implique dans la vie communale et paroissiale : conseiller municipal de 1852 à 1874 et membre de la Fabrique de 1862 à 1887. En 1863 il offre de prêter une importante somme d’argent pour réaliser la construction des quatre voûtes de la nef de l’église et offre également les trois vitraux de la chapelle de la Vierge. En 1860 il fait dessiner sa demeure par M. Charles Durand. La maison que nous voyons actuellement est donc l’œuvre d’un très grand architecte bordelais, la seule à Eysines ayant une telle signature. Vers 1895 Mme Madeleine Ducasse épouse de M. Alauze, avoué, achète cette propriété de plaisance. Pierre Massé, descendant de M. Cazaux, nous a raconté que son arrière-grand-père est à la fois cocher et ouvrier sur le domaine de M. et Mme Alauze entretenant vignes, arbres fruitiers, parterres, etc. Au début du XXe siècle, quelques propriétaires se succèdent puis le docteur Perrin et son épouse, institutrice, s’installent pour de longues années, l’un et l’autre laissant un grand souvenir pour leur implication dans la vie de notre ville. Le propriétaire actuel, M. Robine rénove la propriété, ce qui révèle et met en valeur la beauté du château.
- Les bourdieux de la famille Mitchell, verrerie royale de Bordeaux : au début du XVIIIe siècle, Pierre Mitchell originaire de Dublin, arrive à Bordeaux fuyant les persécutions religieuses. Il obtient des lettres de naturalité en 1721 puis en septembre 1723 il expose qu’il connaît « un secret pour la fabrique d’un verre propre pour les bouteilles… à ne consommer aucun bois ni charbon du Royaume et de n’employer que du charbon d’Angleterre ». Les lettres patentes du Roi sont enregistrées à Bordeaux le 26 janvier 1724. Pierre Mitchell s’installe dans les palus des Chartrons, puis de 1733 à 1738 il transfère son activité à Eysines. Ayant obtenu en 1738 le privilège de verrerie royale, il s’installe à nouveau à Bordeaux. Après son décès, sa veuve Jane Hicky puis leur fils Patrice continuent l’activité de la verrerie et jusqu’en 1779 ils tirent d’Eysines le sable et la terre grasse nécessaires à cette industrie.
Les bourdieux de Bessane et Trianon : Pierre Mitchell achète en 1720. En 1761, le bâti est décrit ainsi : une chambre basse, une cuisine à la suite, une autre chambre au-dessus de la cuisine, un cuvier et un chai. En 1768 « chambre basse et la cuisine à la suite » au rez-de-chaussée, « des chambres hautes pour le maître » à l’étage, « logement pour le valet, écurie, chay, cuvier, cour, portail à l’entrée, puits, hangars et autres petites décharges le tout clos de murs ». En 1779, Nephtaty Lattad de Rose est le nouveau propriétaire puis en 1820 M. Roy. En 1837, a lieu à l’audience des criées du tribunal de Bordeaux, une vente par licitation et M. Lassègue, courtier maritime à Bordeaux en devient l’acquéreur. Les ventes se poursuivent : en 1861 M. de Rancy et en 1901, M. Jean Barrère gendre Clément.
Le bourdieu Huguerie : En 1744, Jean Huguerie hérite au décès de sa mère. En 1752, Jeanne Hicky veuve de Pierre Mitchell achète cette propriété composée « cuvier avec un petit vacant devant et derrière, cour puis deux chambres, jardin derrière entouré de murailles ». En 1766, son fils Patrice Mitchell vend à Claude Meu marchand à Eysines. En 1820, sur les matrices cadastrales nous trouvons Pierre Eyquem dit Louliche verrier à Bordeaux. En 1839, Jean Métayer capitaine de navire est le nouveau propriétaire et s’installe à Lescombes. Le bourdieu est alors composé d’un jardin et d’une maison ayant une surface de plus de dix ares, une porte cochère et onze fenêtres. En 1921, Mme veuve Lacombe née Blanchard achète. En 1958, les enfants de Mme Lacombe se partagent la propriété.
Notre tract annonçait : « 7 siècles, 6 demeures, 3 maires, 1 manufacturier royal, 1 architecte bordelais, des femmes et des hommes vivant à Lescombes ».
Nous avons en effet traversé les siècles en retraçant l’histoire de ces demeures mais aussi les femmes et les hommes qui les ont fait vivre et qui ont ainsi jalonné notre parcours.
Quant au voyage dans le monde, nous avons évoqué le Portugal avec les familles Lopes, l’Irlande avec Pierre Mitchell et l’Argentine avec Rosario…
Nous remercions vivement nos visiteurs de leur écoute attentive et de leur curiosité. Merci aussi à Mme Marsan élue déléguée à la vie associative, d’avoir manifesté son intérêt pour notre patient et interminable travail.
Texte Marie-Hélène Guillemet et Elisabeth Roux, photos Michel Legros.