Nos sources :
Archives départementales : dossiers n° G 3105- 5 V 196 – 4 O 271 – 2 O 1641 – 2 1642
Archives du presbytère d’Eysines : registres des délibérations, livres de compte du conseil de fabrique, de 1824 à 1933, écrits de M. Sibassié
Archives et bibliothèque du diocèse
Archives municipales : listes électorales, états nominatifs, matrices cadastrales
Documents de notre association : relevés et synthèses si précieuses de M. Sibassié…
Le registre relevé au presbytère d’Eysines (photo Connaissance d’Eysines)
Nous remercions vivement les membres du Conseil Paroissial de Saint Martin d’Eysines pour leur accueil et leur disponibilité. La consultation des registres de la fabrique nous a permis de combler d’énormes lacunes sur l’histoire des bâtiments religieux d’Eysines.
Nous remercions aussi Madame Tandonnet aux archives du diocèse pour la gentillesse de son accueil et pour la mise à disposition des documents demandés avec une précision hors du commun. Le bibliothécaire du diocèse est tout aussi avenant et compétent.
Notre travail de recherches ne pourrait avancer sans toute la disponibilité dont font preuve nos interlocuteurs, grand merci à eux tous.
Les fabriques en France et dans le diocèse de Bordeaux
La fabrique de l’église désigne un ensemble de décideurs nommés pour assurer l’administration des fonds et revenus nécessaires à l’entretien et/ou à la construction des édifices religieux. Leur création semble venir des premiers siècles de la chrétienté, mais c’est le Concile de Trente (1545-1563) qui fait évoluer les conseils de Fabrique en permettant l’élection des laïcs. Après la Révolution, sept à onze membres forment le conseil, le curé et le maire étant membres de droit, c’est-à-dire non soumis à l’élection. Différents décrets, mandements et ordonnances vont en préciser le fonctionnement au cours des siècles.
Le mandement du Cardinal de Cheverus en 1836 (extrait du Tome2 du Recueil des mandements des archevêques de Bordeaux de 1539 à 1836, Edition de 1848, consulté à la bibliothèque diocésaine de Bordeaux)
En 1836, le Cardinal de Cheverus, Archevêque de Bordeaux rappelle les buts des fabriciens et du conseil de fabrique en ces termes : « … Parmi les soins les plus importants du ministère qui nous a été confié, nous devons … veiller à l’administration régulière du temporel de nos églises…de ce que prescrivent à cet égard les lois et les règlements… D’après l’art. 92 du même décret, les communes sont chargées de suppléer à l’insuffisance des revenus des fabriques, pour leurs dépenses tant ordinaires qu’extraordinaires… » (Extrait du : Recueil des mandements des archevêques de Bordeaux de 1539 à 1836- Tome second, depuis l’archevêque de Sourdis à de Cheverus- Edition de 1848, à la bibliothèque diocésaine de Bordeaux)
En 1905, la fabrique est remplacée par le conseil paroissial. Un mandement de l’archevêque de Bordeaux parle de l’« ordonnance du 22 février 1910, instituant les Conseils paroissiaux dont les membres sont chargés d’aider le curé dans l’administration temporelle de l’église ».
La fabrique d’Eysines
L’acte de reconnaissance de 1497 (Photo Connaissance d’Eysines du dossier AD33 n° G 3105)
Un acte de reconnaissance datée de 1497 (AD n° G 3105) nous permet d’affirmer que la fabrique d’Eysines existe depuis au moins la fin du XVème siècle. Pour assurer les revenus nécessaires à son fonctionnement, la fabrique pratique le système de féodalité. La fabrique possède une maison près de l’église. Il n’y a pas encore de prêtre attitré, il est dit que le « desservant est itinérant » mais l’ordonnance qui clôt le compte rendu de la visite épiscopale de 1604 stipule « … tous paroissiens sont tenus de loger leur recteur et en attendant qu’ils lui auront bâti une chapellenie la maison qui est près du cimetière appartenant à l’œuvre de l’église lui sera baillée… ».
Le fonctionnement du conseil de fabrique
Les séances :
Suivant les années il y a au minimum deux séances par an. La plus importante a lieu le dimanche de Quasimodo ; le Conseil a obligation ce dimanche-là de pourvoir au remplacement ou à la réélection des membres des conseils de fabrique, d’examiner le budget, de l’approuver et de présenter les comptes (recettes et dépenses de l’année précédente). Certaines séances sont dites « extraordinaires ». Cependant, lorsque les besoins le nécessitent les séances peuvent se dérouler plusieurs fois pendant l’année : c’est ainsi au cours des années 1855, 1857, lorsqu’il faut décider des lourdes réparations pour l’église romane ou sa translation puis les années 1864 à 1867, pour terminer enfin la construction de la nouvelle église.
Les séances sont tenues au « lieu ordinaire des séances » c’est-à-dire généralement au presbytère sauf la séance du 5 juin 1826 qui se tient chez le trésorier, celle du 28 avril 1878 chez M. le Curé, puis à partir du 20 avril 1879 à la sacristie attenante à l’église et ce jusqu’au 10 mars 1889 où elles reviennent au presbytère.
Le plan de l’ancien presbytère place du 4 septembre (dossier AD33 n°2 O 1642) et le presbytère actuel (collection privée Ville d’Eysines)
Les délibérations et décisions :
Elles sont rédigées par le secrétaire et consignées dans le registre du conseil de fabrique. Dès 1824, les décisions concernent les dépenses pour la reconstruction de l’église, puis ses travaux de consolidation ! Les mêmes soucis sont à nouveau là en 1847 et les travaux pour la construction de la nouvelle église vont perdurer. Puis il faudra achever l’église qui n’a pas de voûtes, ni de clocher… les dépenses sont considérables pendant de longues années. Les délibérations concernent aussi le traitement du curé et des fonctionnaires de l’église, les achats et rénovations du mobilier de l’église, de la sacristie, etc…
Les budgets :
Nous les trouvons à la fois dans les registres de comptes du conseil aux archives du presbytère (de 1823 à1904), mais aussi aux archives départementales (de1826 à 1896), ce sont des imprimés dûment remplis, signés par le président, le trésorier et le secrétaire et contresignés par l’archevêque.
Les recettes ordinaires sont l’addition des « produits des rentes et fondations anciennes », de la location des chaises, des quêtes, de la cire et du prix des inhumations. Les recettes extraordinaires sont le solde des recettes cumulées des années précédentes, les dons et legs. Quant aux fonds accordés par la commune, ils sont extrêmement rares…
Les dépenses sont divisées en dépenses ordinaires (pain d’autel, vin, cire, huile, encens, l’entretien des ornements du mobilier et des vêtements sacerdotaux, ainsi que celui de l’église et du presbytère, les honoraires des prédicateurs et des fonctionnaires de l’église (voir § fonctionnaires plus bas) etc…) et dépenses extraordinaires (dette de la fabrique, réparations église et presbytère, achats divers plus ou moins importants (orgue, décoration, etc…).
Les budgets les plus anciens que nous avons relevés datent de 1826. Cette année-là les recettes sont de 1 257,55 francs et les dépenses de 1 248,47 francs. Dès 1833, les réparations de l’église vont entraîner des dettes qui ne seront comblées qu’en 1837. Dès 1854, les recettes extraordinaires sont élevées en prévision des travaux ou de la translation de l’église !
Les membres, fabriciens et marguillers :
Le conseil de fabrique est composé d’un président, d’un trésorier, d’un secrétaire et de quatre membres en général.
Tous les trois ans, le dimanche de Quasimodo ont lieu les élections. L’archevêque rappelle sévèrement à l’ordre quand les élections ne sont pas faites régulièrement ou ne respectent pas les règles très précises.
Les marguillers sont nommés annuellement parmi les membres du conseil de fabrique. Cependant les premières années nous ne trouvons les élections des marguillers qu’en 1835,1840, 1842, 1845, 1846, 1848, 1849, 1850, 1851, 1854, 1856, 1864, puis chaque année de 1876 à 1905.
Les présidents de la fabrique :
-De 1824 à 1831 : Jean Baptiste Brédon est chapelier à Bordeaux et propriétaire à la Forêt de 2 arp 05 p 92m
-De 1832 à 1838 : Auguste Jeantet est marchand, habitant et propriétaire au Vigean (de 78p 84m) ; il semble habiter la maison B 117 (référence cadastre 1811)
-De 1839 à 1847 : Bernard Abeillé chirurgien, propriétaire de 2arp 74p 70m. Il habite Le Bourg et y possède des vignes et jardins ; il a aussi des vignes au Vigean et des taillis et pins à Lescombes. (Nous avons déjà parlé de Bernard Abeillé dans trois articles : Famille Abeillé, les médecins, la Révolution).
-De 1848 à 1853 : Jean Lalumière fils ; nous ne pouvons savoir qui est ce Jean Lalumière étant donné le nombre de Jean Lalumière à Eysines…
-De 1854 à 1889 : Jean Lassus est né le 17 décembre 1794, à Bordeaux. Il s’enrôle dans l’armée de Napoléon en 1813 alors qu’il est tonnelier. La même année, il est caporal le 11 avril, puis sergent le 19 octobre et enfin sergent-major le 7 décembre, il reçoit la Médaille de Sainte Hélène. En avril 1814, Napoléon abdique. Les officiers royalistes viennent remplacer les anciens et beaucoup retournent chez eux sans que les formalités de démobilisation aient été enregistrées. Les sergents-majors tiennent les registres et régularisent la situation en constatant l'absence par la mention "déserté ». C’est donc Jean Lassus lui-même qui note sur sa fiche « déserté ». Il revient sans doute à Bordeaux. Nous le retrouvons négociant, résidant au Bercaut (avenue du Taillan) et propriétaire de 1ha 33a 54ca à Lescombes.
-De 1890 à 1896 : Jules Cathala, notaire à Bordeaux, propriétaire au Vigean de 16 ha 26a 50 ca, habite château Ségur.
-En 1905 : Jules Dumas, né en 1835, chemisier à Bordeaux, vers 1879 propriétaire au Vigean de 5ha 98a 30ca, habite château Bel Air et part à Bordeaux en 1913 (d’après les listes électorales).
Les trésoriers de la fabrique :
-De 1824 à 1826 : Jean Larrodé . Nous ne savons pas quelle est sa profession. En 1820 il habite le Bourg avec son épouse, un fils et trois filles (état nominatif de 1820). Il est propriétaire de 18 arp 97p 90m au domaine de Marcillac, future maison d’Aladin Miqueau .
-De 1827 à 1831 : Jean Baptiste Sourdois, né en 1785. Nous ne savons pas quelle est sa profession. Il est propriétaire au Bourg, à Lescombes et au Haillan. Il habite Eysines puisqu’il figure sur les listes électorales de 1835 à 1844.
-De 1833 à 1838 : Bernard Abeillé (voir à président)
-De 1839 à 1844 : Pierre Bert. Nous trouvons plusieurs Pierre Bert et ne savons lequel est trésorier !
-De 1845 à 1849 : Pierre Videau né le 26 février ou juin 1804, cultivateur à La Forêt, mais nous trouvons aussi Pierre Videau né septembre 1794 au Haillan ….
-De 1850 à 1865 : Jean Saux, comme pour Jean Lalumière , les Jean Saux sont nombreux !
-De 1866 à 1883 : Jean Barrière
-En 1884, Louis Barrière, né en 1837 négociant en vins au Bourg
-De 1884 à 1888 : Auguste Berthoumieu, nous n’avons pas trouvé Auguste mais d’autres prénoms.
-De 1889 à 1896 : Lucien Noguès, propriétaire de 2 terrains à la Forêt. Habite au Bouscat en 1897 puis en 1913 à La Forêt.
-En 1905, Jean Curat.
Les secrétaires de la fabrique :
-En 1824 : François Bacquey. Nous trouvons 2 François Bacquey , l’un dit Bondieu à Lescombes, propriétaire de 1arp 28p 46m et l’autre dit Parisienne …
-De 1832 à 1844 : Jean Lalumière
-En 1845 : Bernard Barrière
-De 1846 à 1852 : Jean Lalumière
-De 1853 à 1857 : Jean Fort, né en janvier 1799, rentier au Bourg, propriétaire de Bois Salut (15ha 38 a en 1838 à l’achat) et aussi du domaine de Larroque à la Biblanque et à la Forêt, ces 2 domaines ayant une surface de 17arp 89p 73m.
-À partir de 1858, monsieur le curé est secrétaire.
Quelques membres :
Nous choisissons de vous parler de certains membres qui ont marqué fortement la fabrique par leur dévotion et leur prodigalité.
-Jean Vézia, membre en 1843 : né en mars 1800, il est marchand d’épices et propriétaire de 25ha 37a 13ca, (au moulin de Plassan, à la Biblanque, au Bourg et à Gasteboy). Il achète le domaine de Pied Sec le 19 avril 1838. Le château que nous connaissons actuellement a été construit en 1853 et est décrit avec une porte cochère et 20 fenêtres en 1856.
M Vézia propose des terrains pour un nouveau cimetière.
-Martin Vergnes, membre de 1859 à 1870 : né le 17 mars 1795, propriétaire de château Ségur avant M. Cathala. M Vergnes offre en 1863 un vitrail à l’église, celui représentant Saint Martin dans le chœur.
-Jean Freyche, membre de 1862 à 1887, né vers 1801, propriétaire des Tilleuls mais ne réside pas à Eysines. Les terrains de M. Jean Freyche s’étendent sur 3 ha 95 a 75 ca. En 1862, M. Freyche est élu membre de la fabrique. En 1863, il offre de prêter à la Fabrique la somme de 2 000 francs sans intérêts pour l’achèvement de l’église et ne demande pas le remboursement du prêt. En 1871, M et Mme Freyche dotent l’église de 6 vitraux : 3 dans la chapelle de la Vierge et 3 dans la chapelle faisant face. Le 23 avril 1887, M. Freyche décède dans sa maison à Bordeaux, il a alors 86 ans.
M. Freyche fait construire par l’architecte Durand cette jolie demeure, le domaine Les Tilleuls (collection privée Guy Michelet)
Bien d’autres Eysinais sont des membres très actifs de la fabrique ….
Les fonctionnaires : (archives du presbytère d’Eysines de 1864 à 1887)
Ce sont des paroissiens qui participent moyennant une petite rétribution au bon déroulement des offices religieux, mais aussi à l’entretien de l’église, etc…
C’est ainsi que nous savons qu’il y a :
- le chantre : M. Boireau de 1864 à 1867, M. Lacave de 1868 à 1883, M Orman de 1884 à 1887
- l’organiste pour l’harmonium : Melle Jeanne Maria Bach de 1868 à 1870, M. Tabuteau de 1882 à 1883
- le joueur de serpent ou d’ophyclive: M. Bernateau de 1865 à 1883
- les blanchisseuses et lisseuses : les demoiselles Lafon de 1864 à 1869, puis Melle Jenny Lafon jusqu’en 1887
- le bedeau : M. Seurin en 1865 et 1866, M. Dupuch en 1879, M. Pardia de 1881 à 1887
- le sacristain : M. Ferry en 1865 et 1866, M. Giraud de 1881 à 1883
- le sonneur de cloches : M Giraudeau de 1880 à 1887
- la chaisière : Mme Seurin de 1868 à 1870, Mme Marinette Capeyron de 1871 à 1887.
La fin de la fabrique et le conseil paroissial :
Les lois de la République vont dès 1880 supprimer et ou abroger des institutions abolies sous la Révolution et rétablies à la Restauration. En 1901, la sécularisation des fabriques est actée et 1905 marque la fin de ces diverses procédures. Le 22 février 1910, les Conseils paroissiaux sont institués « … les membres sont chargés d’aider le curé dans l’administration temporelle de l’église… » écrit Monseigneur Andrieu, archevêque de Bordeaux.
Nomination du Conseil paroissial en 1920 par l’archevêque de Bordeaux (Archives du Presbytère d’Eysines)
Aux archives du presbytère, les délibérations et comptes du conseil de paroisse de 1920 à 1933 ont été rédigées par le curé Drouy.
Michel Baron, Marie-Hélène Guillemet, Dany Lagnès, Elisabeth Roux