L’histoire de ce domaine nous ramène sous l’Ancien Régime. La maison noble de Laplane occupait alors une surface considérable. Le château perd son nom de Laplane lorsque la viticulture devient si importante que certains propriétaires viticoles produisent et vendent directement leur vin. Mais n’allons pas trop vite !
Cette histoire est longue de six siècles. La première partie de ce récit est consacrée à la période la plus ancienne. Une seconde étape décrira le domaine de 1812 à la fin du XXème siècle.
L’évolution des bâtiments du château, de ses dépendances agricoles et de son pigeonnier sera évoquée ensuite ainsi que les constructions sur les anciennes terres de Laplane.
*Notas :
- Les textes en italique citent les extraits des dossiers.
- Laplane est écrit La Plane dans les textes les plus anciens ; au XVIIIème siècle, on trouve La Plane et Laplane ; la famille Duret n’emploie plus que Laplane. C’est ce qui est utilisé par la suite et que nous utilisons nous aussi.
- Nous trouvons le nom de Gratien de Mulet écrit sous deux formes : de Mulet et de Mullet.
Notre premier récit commence par le texte de l’abbé Baurein qui publie, entre 1784 et 1786, les « Variétés Bordelaises ». Un petit chapitre est consacré à la paroisse Saint Martin d’Eysines : « … Il y est aussi question d’une maison noble appelée de la Taule du Luc, et qu’on soupçonne avoir été une dépendance de la Maison noble du Luc, située dans la Paroisse de Blanquefort ; au moins, suivant des titres de 1433 et 1465, appartenoit-elle à Jean de Lalande, Chevalier ; or, il est certain que la maison noble du Luc en Blanquefort a appartenu aussi aux Seigneurs de Lalande. Il paroît par des titres des années 1536 et 1556, que la maison noble de la Taule du Luc commençoit à être appelée de la Plane, et que dès-lors elle appartenoit au sieur Jean Dubernet , Secrétaire du Roi ; Nous apprenons d’un titre du 4 Juin 1598 que Gratian de Mullet , Ecuyer, étoit à cette époque ,sieur de la Plane d’Eysines…. »
Nos sources :
Nous avons consulté de nombreux dossiers aux archives départementales dans les séries G, H, C et E, mais aussi des actes notariés de la série 3 E et les comptes-rendus des visites épiscopales.
Mme Cabrou a étudié le domaine pour son mémoire de maîtrise « L'étude du quotidien d'un domaine : la vie de Pierre Duret sur son bien de Laplane de 1781 à 1810 » à Bordeaux III en 1995. En mars 2017, Mme Cabrou nous a fait l’honneur d’une conférence sur ce sujet (Voir le compte-rendu de la conférence de mars 2017). Elle nous a remis son mémoire et une copie du livre-journal de Pierre Duret. Nous la remercions pour ce travail qui nous a servi de base pour le paragraphe sur Pierre Duret. Nous y avons ajouté des extraits du livre-journal de Pierre Duret.
Les seigneurs de la maison noble de Laplane (ou La Plane) du XVème au XVIIème siècles
(Dossiers des archives départementales dans les séries G, H, C et E et comptes-rendus des visites épiscopales)
De 1433 à 1465, Jean de Lalande, chevalier, est seigneur de la Taule du Luc au château de Laplane. Comme beaucoup de seigneurs gascons, Jean de Lalande est banni par Charles VII puis réintégré par Louis XI en 1461.
En 1573, Jean Dubernet, secrétaire du roi et seigneur de la maison noble du Luc, octroie une vente du tiers de la dîme d’Eysines en faveur de Gratien de Mulet écuyer, seigneur de La Plane. Gratien de Mulet est dit aussi « écuyer, seigneur de La Plane, gentilhomme ordinaire de la chambre du roy ». En 1582, nous trouvons une reconnaissance de Gratien de Mulet à l’archevêque de Bordeaux. En 1602, l’abbaye de Ste Croix partage la dîme avec Gratien de Mulet sieur de La Plane, en 1605 nous trouvons une reconnaissance de Gratien de Mulet à Ste Croix. En 1591 des reconnaissances du sieur de La Plane en faveur du chapitre St André, en 1602 la dîme d’Eysines est partagée avec le chapitre.
Première et dernière page du partage de la dime entre Ste Croix et Gratien de Mulet le 2 août 1602 (Référence AD33 : H 454)
En 1604, un différend sur les limites des domaines de La Plane et du chapitre St Seurin, donne lieu à une plantation de bornes en présence des deux antagonistes car Gratien de Mullet est accusé d’avoir déplacé les bornes : « Le 9 juin 1604, plantation de bornes que le sieur de La Plane avait fait enlever du lieu où elles avaient été placées 16 ans auparavant dans la lande de Queyret à la limite de St Seurin et Eysines, lesquelles bornes portent d’un côté une croix et de l’autre les armes dudit seigneur de La Plane ». Ce sont les bornes armoriées que décrivent les abbés Caudéran et Cirot de la Ville en 1861 et 1867.
En 1608 un arrêt du parlement confirme le partage de la dîme entre Gratien de Mullet, le chapitre St André et le monastère des Feuillants. Les Feuillants ont aussi des possessions à Eysines dès le XVI° siècle « disent lesdits Religieux que de toute ancienneté ils avaient certains domaines cens et rentes dans ladite paroisse d’Eysines une maison, chai, cuvier ... pour ramasser les fruits décimaux de ladite paroisse qui leurs appartiennent en qualité de curés primitifs d’icelle pour raison desquels ils payent annuellement décimes au roi notre souverain seigneur ».
Ce que nous savons aussi sur Gratien de Mulet vient des comptes-rendus des visites épiscopales. En 1604, on apprend qu’une sépulture est un peu trop près du maître d’autel « le sieur de la Plane y a seulement fait ensevelir sa première femme » et en 1735, au sujet des bancs « le cinquième est placé dans l’aile de St Jean appartient à M de Ségur je n’en ai point vu de titre ni de l’un ou de l’autre … il parait qu’il a été aumôné autrefois par Gratian de Mulet qui occupait la maison de La Plane qu’il vendit aux Feuillants par décret et que les Feuillants ont vendu à M Duret de la religion protestante… » La fille de Gratien de Mulet est l’épouse d’Isaac de Ségur, Jean de Ségur est le petit-fils de Catherine de Mulet…
En 1620, Gratien de Mulet est décédé car la « vente par demoiselle Marte de Jousset veuve de noble Gratien de Mullet seigneur de La Plane et de Catherine de Mullet sa fille séparée de Isaac de Ségur, écuyer seigneur de St Aulaye en faveur de l’archevêque de Bordeaux, de la troisième partie de la dime d’Eysines » est effective.
*Nota : La généalogie de Ségur, branche du Vigean indique ceci à la onzième génération : Isaac de Ségur, seigneur du Vigean, coseigneur de Ste Aulaye, écuyer de la petite Ecurie du roi, capitaine du régiment de Champagne, épouse le 11 novembre 1611, Catherine de Mulet, fille de Gratien de Mullet, seigneur de La Plane et de Marthe de Jouset. Issac meurt avant 1651. Les seigneurs du Vigean après Isaac sont : Gabriel, puis Jean (1691-1751), puis Jean II, puis Catherine-Andrée épouse de Joseph Cazeaux de Nates…La seigneurie du Vigean est vendue à Jean Tourat bourgeois de Bordeaux en 1758.
(Dossiers des archives départementales actes notariés série 3 E et dans la série H monastère des Feuillants )
Chez maître Jaubert Arnaud le 30 janvier 1657 : « Aujourd’hui 30 janvier 1657 dans le château de La Plane paroisse d’Eysines a comparu noble Gabriel de Ségur écuyer seigneur du Vigean audit château de La Plane y habitant, lequel a dit que dame Catherine de Mullet sa mère est décédée le 25ème du présent mois et laisse … ledit sieur du Vigean et damoiselle Charlotte de Ségur épouse de messire maître François Bayle écuyer avocat en la Cour du Parlement de Bordeaux et quelques meubles et titres papier. Fait procéder à l’inventaire des biens délaissé par sa mère… ». Toujours chez le même notaire en avril 1657, Gabriel de Ségur procède à une vente en ces termes : « Noble Gabriel de Ségur seigneur du Vigean, La Plane et autres… ».
Le 28 février 1673, dans le document intitulé « dénombrement des biens des Feuillants » il est écrit « …disent lesdits Religieux qu’ils tiennent et possèdent ladite maison noble de la Plane… laquelle maison lesdits Religieux déclarent avoir acquis par arrêt du décret et adjudication ainsi et comme elle avait été levée dès le 2 mai 1631 au préjudice de Dame Catherine Mulet femme de noble Jean de Ségur sieur Du Vigean et fille de noble Gratien de Mulet vivant Ecuyer sieur de la maison noble de Laplane en conséquence de laquelle adjudication lesdits Religieux en payèrent les droits de lods et ventes à Messire François de la Framboisière procureur général…par arrêt du conseil du 5 aout 1666 pour le recouvrement des lods et ventes dues au roi ainsi que le tout il parait par Contrat de quittance donné par ledit Messire de la Framboisière audit religieux le 4 février 1667… ».
Les Religieux prieur et syndic du monastère St Antoine des Feuillants acquièrent la maison noble de La Plane soit le 5 août 1666 soit le 4 février 1667.
Première et dernière page du dénombrement des Feuillants du 28 février 1673 (Référence AD33 : H 2041-folio8)
Dans ce même dénombrement, les Feuillants donnent une description de leur immense domaine. Il est composé de 68 journaux autour de la maison noble, et de huit autres biens d’une surface de plus de 100 journaux. Voici la description du bien autour de la maison noble « ladite maison noble…consistant en maison chai cuvier grange et autres bâtiments fuie colombier à puis, jardin, verger, vigne, garenne, pelouse méchant bois et broustey tout en un tenant contenant 68 journaux ou environ, Comprenant d’un côté vers le soleil levant au chemin qui va du Bourg d’Eysines au village de La Forêt d’autre côté vers le soleil couchant à un autre chemin appelé le chemin du Bois Soubrian (Soubiran) …. vers la Lande et Lescombes et vers le village de Laforêt lequel Chemin fait séparation du fief des Dames de l’Annonciade…d’un bout vers le nord au grand chemin qu’on va de Bordeaux au Taillan et à Soulac et d’autre bout vers le midi à ladite Lande de Lescombes… »
Les Duret, seigneurs de La Plane sur trois générations :
(Dossiers des archives départementales dans la série H monastère des Feuillants et 3 E actes notariés – Extraits du mémoire de maîtrise Mme Cabrou – Extraits du Livre-journal de Pierre Duret fourni par Mme Cabrou)
*Nota : Nous remercions vivement Mme Cabrou pour son précieux travail.
En août 1720, les Feuillants vendent le domaine de La Plane à Benjamin Duret négociant des Chartrons. Le domaine a alors une superficie de 185 journaux (un peu plus de 57 hectares) dont 70 journaux (environ 21 hectares) d’un seul tenant autour du château.
Avant de s’établir aux Chartrons, Benjamin Duret était juge au Fleix. Sa religion protestante lui interdit de poursuivre son métier alors il quitte la juridiction et vient s’établir aux Chartrons. Son petit-fils, Pierre, dans son livre journal, précise : « mon grand-père vivant noblement sur ses biens du Fleix, marié à Sarra Laporte…» et pour son arrivée à Bordeaux « où il entreprit le commerce sans l’avoir jamais appris …». Benjamin Duret fut reçu bourgeois de Bordeaux le 23 juin 1703.
Première et dernière feuille de la prise de possession du 18 août 1720 (Référence AD33 : H 2041-folio7)
Le 18 août 1720, Benjamin Duret prend possession de son domaine : « Maison noble appelée le château de Laplane consistant en plusieurs bâtiments, édifices, jardins, vergers, pièces de vignes, bois taillis, pignada, landes, métairie appelée au Sesca, bernèdes, barrails, prés et terres labourables et autres possessions généralement quelconque …les cuves, vaisseaux vinaires, une paire de bœufs, six vaches, deux veaux, une charrette, outils aratoires et autres effets qui sont dans lesdits bâtiments ; Ensemble tous les droits de directe féodalité, cens, rentes agraires, deniers, exporles, diximes inféodées tant à cause de la maison noble que autrement droits ; Et deniers seigneuriaux avec les arrerages desdits rentes agrières, loi, rente … ». Benjamin Duret fait hommage au roi pour la maison Noble de La Plane en 1724 puis en 1744.
Abraham Duret, son fils, hérite de La Plane. Pierre Duret raconte : « Abraham Duret, deuxième fils de Benjamin Duret était mon père ; il est resté plusieurs années en Hollande et longtemps à Paris étant jeune homme. Il fit quelques temps le commerce aux Chartrons, associé avec Benjamin Duret son père … Il exerça la charge d’aide-major de la ville avec honneur pendant un grand nombre d’années jusqu’à sa mort. Il était marié à Catherine Vanderhagen, ma mère, fille de Vanderhagen de Pologne et nièce du fameux Abraham Baumgarten 1er négociant des Chartrons, natif de Hollande. »
Abraham Duret décède en 1747, sa veuve Catherine Vanderhagen gère le domaine mais aussi la maison de négoce jusqu’en 1762 où elle effectue un partage entre ses enfants.
Pierre Duret, le troisième des enfants d’Abraham et deuxième garçon, hérite de la maison noble de La Plane. Laissons-le raconter : «D’abord après le décès de feu mon père, je pris le parti du commerce, dont j’eus fait l’apprentissage dans l’espace de 3 ans ½, à la fin desquels je m’établis n’ayant alors que 22 ans et à 23 ans ½ je me mariai en 1755 avec Anne Borel, fille de Paul Borel négociant de Bordeaux, j’ai eu de ce mariage 10 enfants dont il ne me reste que … Jenny, mariée à Jean ainé Barde à Genève , négociant…, Paul François Daniel marié à Sophie Balguerie…, Jeanne Marie Elisabeth mariée à Pierre Lafargue jeune, fils de Jacques Lafargue des Chartrons… j’ai toujours travaillé avec la plus grande assiduité et beaucoup d’économie et surtout beaucoup de prudence ce qui malgré diverses pertes que j’ai eu à souffrir à plusieurs reprises, m’a soutenu dans mes affaires et Dieu m’a fait la grâce de parvenir enfin à un état d’aisance à l’âge de 50 ans auquel je n’aurais pas dû prétendre avec des affaires aussi bonnes que les miennes…. la maison noble de La Plane paroisse d’Eysines, que je possède m’étant chargé de ce bien dans les partages de ma famille… »
En 1762, Pierre Duret prend possession de Laplane dont voici l’inventaire : « maison noble de la Plane, venant du chef de leur père, située dans les paroisses d’Eysines et de Blanquefort, composée de bâtiments , jardin , verger, vignes , bois, pignadas, prairies , une métairie dans les marais, fief, cens, rentes , agrières, lods et ventes , arriéres ventes, arrérages de rentes et autres droits et devoirs seigneuriaux échus et à échoir, et toutes les appartenances et dépendances de ladite maison, ensemble les vaisseaux vinaires, meubles meublants, bestiaux, charrette, outils aratoires et autres effets mobiliaires qui sont dans ladite maison et bâtiments, le tout étant estimé entre lesdites parties et d’un commun accord à la somme de 32 000 livres, sauf le plus ou le moins, suivant l’évènement de la licitation qui sera et après faite…métairie séparée, prairies dans le marais de Blanquefort…sous les légitimes confrontations, limites et désignations de tous lesdits biens… »
Pierre Duret fait sept acquisitions pour agrandir son domaine, en choisissant des terrains jouxtant ses terres, mais aussi dans le but d’augmenter ses lods et ventes. Son domaine atteint 82 hectares30ares et 80 centiares. Il a des fermages et des métayages. Le domaine est essentiellement viticole et vinicole car il a un matériel vinaire important : dans le chai et cuvier de Laplane il a deux pressoirs, un en pierres et un en bois, qui demandent un entretien important, six cuves, sept douilles, plusieurs barriques, douze bastes …Tout ceci permet de faire les vendanges (environ 20 vendangeurs pour 1 ha) puis de produire du vin qu’il vend dans son chai des Chartrons.
Pierre Duret va tenter de transformer ses terres en polyculture pour lutter contre les disettes. Il essaie d’améliorer les productions et leur qualité et aussi de produire suffisamment pour éviter les famines. Il choisit alors ses cultures en fonction de leur bonne production sur ses terres. Pour les arbres fruitiers et les vignes, il fait réaliser une pépinière, et son maître-valet, Panchille, greffe les arbres. Le verger est important. Pour la vigne les cépages utilisés sont : petite et grosse vidure, petit et gros verdot, malbec, gamenelle. La grosse chalosse est réservée pour le vin ordinaire et l’enrageat pour le vin blanc et l’eau de vie. Les cépages sont mélangés dans les rangs de vigne ce qui nécessite des vendanges en plusieurs fois pour suivre la maturité des grappes. Il développe aussi ses plantations d’acacias pour les carassons, ainsi que ceux de pins, chênes et châtaigniers pour réparer les charpentes, portails et contrevents…
Pour les légumes, il fait venir des plants d’artichauts et griffes d’asperges de Hollande car ils sont plus résistants au climat girondin. Il cultive des lentilles etc…Il remplace la culture difficile du tabac par celle des patates (le mot pomme de terre est peu employé par P Duret !). Le seigle et le maïs viennent bien sur les terres eysinaises ; le froment demande une terre plus riche. Avec le fumier des moutons, bœufs et chevaux, il enrichit ses terres. Pierre Duret n’oublie pas le fourrage pour nourrir ses bêtes, et cultive les prairies pour cela. Son cheptel ne s’élève qu’à deux ou quatre bœufs et un à deux chevaux. Il fait venir un berger avec ses brebis qui pacagent l’hiver sur ses terres et produisent du fumier.
Pierre Duret vit en majeure partie dans sa maison des Chartrons mais fait de longs séjours à Laplane. Ses terres sont aux bons soins de son maitre-valet (régisseur) Pierrot Bacquey puis à sa mort de son fils Panchille. Le maitre-valet vit à Laplane dans la maison du paysan, il fait le lien entre le domaine et Pierre Duret ; l’épouse s’occupe de la maison du maitre et de la basse-cour, les enfants ont chacun une fonction précise. Sur le domaine, il y a d’autres personnes employées sous contrat : trois gardes sur 20 ans, deux bouviers en permanence ; les autres employés sont là quand il y a besoin, hommes mais aussi femmes et enfants qui offrent un coût moindre.
Dans les dernières années 1780, un différend entre Pierre Duret, seigneur de Laplane et M. Bodin de Saint Laurent, seigneur de Bois Salut les emmène au tribunal pour le « mayne de Billy » ! Dans ce procès, nous trouvons l’acte du 20 octobre 1672, stipulant que ce mayne dépendait du bien des Feuillants et une reconnaissance par extrait consenti par demoiselle « Anne Marie Lescaur d’un domaine qu’elle possédait dans la directe de la maison noble de la Plane et appartenant au sieur de La Plane en date du 22 août 1763… » Maître Laumondavec, avocat de M. de St Laurent demande cependant la condamnation de M. Duret. Les dossiers des archives n’ont pas conservé la décision du tribunal. Mais y a-t-il une suite ? En septembre 1789, les événements de la Révolution supplantent sans doute ce genre de procès.
A gauche la reconnaissance de Jeanne de Billy en 1672 et à droite celle de Marie Lescaur de 1763 (Référence AD33 : 1 E 41)
Pour la période révolutionnaire, dans son livre journal, Pierre Duret parle des guerres avec l’Europe, et de toutes les difficultés de l’ancien royaume de France, de l’évolution de la politique…il s’émeut du malheur des Eysinais et œuvre pour leur venir en aide. Il note le 31 juillet 1789
« ….Les troubles survenus dans le royaume ont obligé toutes les villes des diverses provinces…Il s’est formé dans la paroisse d’Eysines 8 compagnies de 60 hommes toutes commandées par des capitaines et d’autres officiers choisis parmi les paysans…Les 200 électeurs siégeant à Bordeaux ont aussi jugé à propos pour veiller au repos des citoyens dans toutes les communautés de créer dans les paroisses de campagne des conseils municipaux composé d’un président , d’un secrétaire et de 5 à 7 habitants soit électeur, député ou autres personnes choisis dans les paroisses et les plus zélés pour le bien public les plus justes et connus pour les plus honnêtes gens…les habitants d’Eysines se sont assemblés et m’ont fait l’honneur de me nommer à la pluralité des voix président de leur conseil municipal. J’ai accepté cette charge avec plaisir pour répondre à l’attachement et à la confiance des divers habitants de la paroisse, malgré le projet que j’avais formé de mener désormais une vie tranquille et indépendante. J’espère remplir cette charge de façon à justifier la bonne idée que les paroissiens ont eu de ma justice et de mon patriotisme en me décorant de ce nouveau grade. M Felguère habitant d’Eysines et mon voisin parfait honnête homme, a été nommé mon secrétaire. Je suis parti incessamment pour Laplane afin d’y établir mon comité et veiller au bon ordre. L’assemblée du conseil se tiendra chez moi et continuera de s’y tenir lorsque je serai absent. J’espère que ce petit conseil sera un double avantage pour la paroisse. Me proposant d’engager les divers paysans du pays de soumettre à la décision de l’assemblée tous les procès ou discussion qu’ils pourront avoir entre eux… ». Le décret sur la nomination des municipalités est daté du 22 décembre 1789, Pierre Duret nommé par les Eysinais en septembre 1789, ne peut donc avoir le titre de maire…Pierre Duret meurt en 1811 en laissant un testament olographe.
Dernier feuillet du livre journal de Pierre Duret (Archives privées) & cadastre de 1808, le château de Laplane (Référence AD33 : 3 P162/21)
Les deux siècles suivants sont tout aussi captivants, la suite de l’histoire arrive…
Marie-Hélène Guillemet, Elisabeth Roux.