Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Aux archives municipales, nous avons trouvé un registre que nous avions relevé seulement pour les années 1915-1918, alors que nous consacrions nos recherches à la préparation des expositions sur la Grande Guerre. Nous avons récemment recopié tout le registre concernant les années 1906-1934. Les années 1911-1914 ne sont pas répertoriées et celles de 1934 à 1939 ne comportent que peu de déclarations.

Outre les renseignements sur les entreprises, les registres mentionnent les victimes des accidents mais aussi les témoins. Ceci est donc une source précieuse pour connaitre les emplois des Eysinais.

La couverture du registre relevé aux archives municipales

La couverture du registre relevé aux archives municipales

La législation

La loi du 9 avril 1898 donne droit à une indemnité à la charge du chef d’entreprise lors d’un accident survenu au travail. Cette loi crée un régime spécial de responsabilité et le salarié accidenté peut alors obtenir une réparation, sans avoir à prouver la faute de son employeur. Muni d’un certificat médical stipulant une interruption de travail supérieure à 4 jours, il peut demander une indemnité. L'indemnisation est forfaitaire, suivant un système complexe, ce qui est une limite au principe de droit commun de réparation intégrale du dommage. Cette loi ne concerne pas les travailleurs agricoles.

Deux récépissés établis par le maire Jean Lahary : une déclaration d’accident et un certificat médicalDeux récépissés établis par le maire Jean Lahary : une déclaration d’accident et un certificat médical

Deux récépissés établis par le maire Jean Lahary : une déclaration d’accident et un certificat médical

Vont suivre toute une série de décrets dès le 13 novembre 1900, des circulaires et lettres ministérielles qui rendent la date d’application de cette loi difficile ! De plus, cette loi du 9 avril 1898 est encore modifiée sous le régime de Vichy. Comme le registre des archives débute en 1906, la loi n’est peut-être applicable qu’à partir de cette date.

 Mais il faut attendre le 15 décembre 1922 pour qu’une nouvelle loi étende la législation sur les accidents du travail aux exploitations agricoles. Elle sera applicable le 1er septembre 1924. Le Maire reçoit et enregistre les déclarations d’accident. Mais ces déclarations ne peuvent être reçues que si les intéressés ont souscrit préalablement une assurance contre les accidents du travail.

L’en-tête et les signatures du texte de la loi de 1922, pour les agriculteurs.L’en-tête et les signatures du texte de la loi de 1922, pour les agriculteurs.

L’en-tête et les signatures du texte de la loi de 1922, pour les agriculteurs.

Les accidents et les arrêts de travail

Nous ne prenons en compte que les vingt-cinq années répertoriées.

1/ Le nombre d’accidents

451 accidents sont déclarés pour les 25 années. Ils varient de 2 en 1909 à 39 en 1932. La plupart des années, entre 11 et 25 déclarations sont enregistrées. Pour quatre années sont signalés moins de dix accidents : 2 en 1909 ,3 en 1910, 5 en 1934, 7 en 1915. Enfin, des chiffres aux alentours de trente et plus sont mentionnés pour six années : 27 en 1931 et 1933, 29 en 1929, 30 en 1928, 33 en 1930, 34 en 1918 et 39 en 1932.

2/ La durée d’incapacité de travail en fonction de la gravité des accidents

Les médecins consultés sont, le plus souvent, les docteurs Daureillan et Lapouble qui exercent alors à Eysines.

Les docteurs Daureillan et LapoubleLes docteurs Daureillan et Lapouble

Les docteurs Daureillan et Lapouble

 Ils signent des arrêts de travail d’une à trois semaines. Sur les 451 accidents, 23 seulement ne stipulent aucun arrêt. Les périodes d’arrêt sont de 8 à 20 jours, avec une majorité de 15 jours. 24 accidents entraîneront un mois d’arrêt et 22 plus d’un mois. Quelques graves accidents donnent des incapacités indéterminées par le médecin.

Les entreprises et artisans concernés

Ce sont bien sûr les quatre « usines » d’Eysines qui sont le plus sujettes aux accidents : en premier et de très loin, l’équarrissage avec presque 1/3 des accidents, puis les deux scieries, celle de M Carraire et celle de M. Lauroua avec environ 10%, et en dernier la boyauderie de Jallepont avec seulement 13 accidents.

Les accidents du travail à Eysines de 1906 à 1939

A l’usine d’équarrissage de M. Henri Chaigneau, les blessures sont diverses : entorses, contusions multiples, déchirures musculaires dues à de lourdes charges, piqures avec des crochets, accidents de charrettes diverses (chutes, déchargements, etc.), morsures de chiens.

Les temps d’arrêt sont en général de 8 à 10 jours. Cependant, nous relevons qu’il y a suite aux morsures de chiens des traitements de 3 semaines à l’Institut Pasteur.

En 1918, M. Jean Galerne a une fracture de la jambe qui lui octroie de 3 à 6 mois de repos et M. François Maney a une plaie grave mentionnée « arrachement de la peau » qui nécessite un mois. Ce sont les 2 seuls cas graves.

Les accidents du travail à Eysines de 1906 à 1939

Dans les deux scieries eysinaises : les accidents occasionnent, comme à l’équarrissage, des temps d’arrêt de 15 jours en général. Les accidents sont dus à des écrasements et plaies diverses aux mains, mais aussi à des doigts coupés !

En 1918, M.Marcel Barbier, chez M Carraire, a une fracture de la jambe qui nécessite 3 mois de repos.

En 1920, M. Maurice Laporte, toujours à la scierie Carraire, se blesse aux 2 mains et sera en congé 4 mois.

En 1921, M Chaltin est victime d’un grave accident à la scierie Lauroua , il doit subir une amputation du bras .

A la boyauderie de Jallepont : des chutes, piqures, coupures entraînent des arrêts de 15 jours.

Chez les artisans eysinais, nous dénombrons 74 accidents soit 6% du total : les plus nombreux sont à la charpenterie de M. Louis Guiraud de Lescombes et au charronnage Soucadauch au Vigean.

 Chez les Soucadauch, charrons : des contusions, des plaies aux mains, aux pieds et aux membres occasionnent des arrêts de 15 jours environ. Les fractures donnent en général un mois de repos.

Chez M. Louis Guiraud, charpentier : des chutes, plaies pénétrantes, plaies dorsales, contusions, coups de marteau donnent en général 15 jours de repos.

La boulangerie Dubourdieu du Vigean et la boucherie Pinos de Lescombes (collection privée Ville d’Eysines)La boulangerie Dubourdieu du Vigean et la boucherie Pinos de Lescombes (collection privée Ville d’Eysines)

La boulangerie Dubourdieu du Vigean et la boucherie Pinos de Lescombes (collection privée Ville d’Eysines)

Chez les autres artisans, de nombreux accidents, le plus souvent sans gravité sont signalés : par exemple, chez M. Sibassié Alcide, entrepreneur de bâtisses, chez Mme veuve Fournier dans sa minoterie du Vigean avec 1 mois de repos pour Emile Decap qui a 3 doigts écrasés ou encore chez nos boulangers (Théron en 1920, Dubourdieu en 1924, Getten en 1925 et 1934, Claverie en 1929, Fitte en 1931, Pinaud en 1934) lorsque les apprentis chargent le four à bois et se blessent avec les bûches et un en 1927 chez le boucher Pinos.

Enfin,7 accidents se produisent chez Lafabrie, entraineur du Vigean entre 1922 et 1932, dont 4 chutes de cheval, donnent des repos de 2 semaines à 3 mois.

Le tram et la gare (collection privée Ville d’Eysines)Le tram et la gare (collection privée Ville d’Eysines)

Le tram et la gare (collection privée Ville d’Eysines)

Sur la voie publique, 58 accidents de tram et autres représentent presque 8%, tandis qu’à la gare il y en a 25 qui regroupent à la fois des accidents de chargement et déchargement de marchandises mais qui concernent aussi des ouvriers effectuant des travaux sur les infrastructures de la gare et sur les voies. Les travaux de voirie à la gare et sur les chemins et routes occasionnent des accidents aux employés des entreprises de voirie, mais la SEESO compte aussi des accidents lors de ses travaux.

Au centre de l’enfance à Eysinoff , à partir de 1931, grâce au don de M. Faget, Conseiller Général, les travaux de construction de la pouponnière débutent. Les accidents que nous trouvons ci-dessous sont sans doute ceux survenus lors de ce chantier de construction :

-En décembre 1931, un manœuvre de l’entreprise Vialla de Bordeaux se blesse à la main en basculant un chariot.

-En janvier et février 1932, 3 accidents sont déclarés. A nouveau 2 manœuvres de l’entreprise Vialla de Bordeaux sont blessés avec des arrêts de 8 et 15 jours et un accident très grave arrive à un charpentier Alfred André, qui fait une chute de 7 m. Il est transporté à l’hôpital Saint André et le docteur Lafitte constate : « fracture colonne vertébrale, paraplégie membres inférieurs, et incapacité permanente totale du point de vue fonctionnel ; pronostic vital très réservé ».

-En juillet 1933, un ouvrier de l’entreprise Monnier de Lormont a une contusion au pied gauche, suite à la rupture d’un bois d’échafaudage. Il aura un arrêt de 15 jours.

Le cas particulier des agriculteurs

 

 L’agriculture n’est concernée qu’à partir de 1926 (voir § Législation ci-dessus). 55 accidents sur 9 années surviennent pour la grosse majorité au château Lamothe-Lescure, chez M. Eugène Montré, sans doute le plus gros propriétaire viticole de ces années-là.

 Nous avons aussi relevé dans ce cas particulier le registre des déclarations d’adhésion aux assurances, déclarations nécessaires pour que la loi puisse être appliquée.

Déclarations d’adhésions à une assurance suite à la loi du 15 décembre 1922

Déclarations d’adhésions à une assurance suite à la loi du 15 décembre 1922

 M Eugène Montré, propriétaire de Lamothe-Lescure souscrit certainement, puisque nous trouvons son nom dès 1926. M Montré habite Bordeaux. Nous retrouvons aussi M. Emmanuel Faure, propriétaire du domaine de La Plante, M. Cathala, propriétaire à château Ségur, M. Amigues au Vigean (ch.Amigues !), M. Moussié au domaine du Mont au Vigean, M. Vergnes de la villa St Jean au Vigean, etc…

Les chais de M. Montré (Connaissance d’Eysines) et le domaine de la Plante de M. Faure(collection privée Ville d’Eysines) Les chais de M. Montré (Connaissance d’Eysines) et le domaine de la Plante de M. Faure(collection privée Ville d’Eysines)

Les chais de M. Montré (Connaissance d’Eysines) et le domaine de la Plante de M. Faure(collection privée Ville d’Eysines)

Les accidents que nous relevons sont des entorses, piqures par divers outils ou fil de fer, blessures diverses aux pieds et mains, chutes, etc… Ils occasionnent des arrêts de 15 jours environ.

Une fois encore, un document de caractère essentiellement administratif nous a apporté des renseignements fort intéressants sur la vie quotidienne des Eysinais à travers leurs métiers, durant les années concernées.

Marie-Hélène Guillemet et Elisabeth Roux.

Tag(s) : #vie économique
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :